Par Business Africa Media, le 17 avril 2025
Malabo, Guinée équatoriale — Dans un contexte de recomposition des équilibres sécuritaires continentaux, la Guinée équatoriale accélère sa mue militaire. Mercredi 16 avril 2025, le Vice-président Teodoro Nguema Obiang Mangue a reçu une délégation de la Compagnie Industrielle Militaire russe BNK, menée par son Directeur général Alexander Y. Mishin. Objectif affiché : sceller un partenariat inédit pour la production et l’assemblage de véhicules blindés, pierre angulaire d’un vaste plan de modernisation des forces armées nationales.
Cette alliance, à la croisée des enjeux technologiques et géostratégiques, s’inscrit dans une dynamique plus large : doter Malabo d’une industrie de défense autonome, tout en consolidant la stabilité en Afrique centrale. « Cette coopération n’est pas seulement bilatérale. Elle participe d’une vision collective de sécurité panafricaine », a souligné le Vice-président, rappelant les défis communs face aux menaces transfrontalières.
Le groupe BNK, dont l’héritage militaire russe s’étend sur neuf décennies, apportera son expertise en ingénierie blindée et en formation des personnels locaux. Un volet clé pour le ministre de la Défense équato-guinéen, qui y voit « un levier pour réduire les dépendances externes et renforcer notre souveraineté ». Au-delà des ateliers d’assemblage, le projet inclut des transferts de compétences, signe d’une collaboration pensée sur le long terme.
Une modernisation « par et pour l’Afrique »
Si les détails techniques restent sous embargo, l’ambition est claire : faire de la Guinée équatoriale un pilier sécuritaire dans le golfe de Guinée. Ce rapprochement avec Moscou s’articule avec les initiatives régionales, notamment celles portées par la CEEAC (Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale), où Malabo joue un rôle croissant. « Aucun État ne peut aujourd’hui faire face seul au terrorisme, aux trafics ou aux dérèglements climatiques. Cette coopération doit inspirer une approche solidaire », a insisté un conseiller sécuritaire sous couvert d’anonymat.
Critiquées par certains observateurs comme un alignement sur les intérêts russes en Afrique, ces négociations sont défendues par Malabo comme une réponse pragmatique aux urgences locales. « L’Afrique doit se réapproprier les outils de sa propre sécurité », a martelé un officiel, en référence à l’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui promeut une autonomie défensive continentale.
Un équilibre délicat entre souveraineté et coopération
Reste que ce partenariat interroge : jusqu’où les États africains peuvent-ils concilier alliances extérieures et aspirations panafricaines ? Pour le Pr. Aminata Diallo, chercheuse en géopolitique à Dakar, « l’enjeu est de garantir que ces transferts technologiques servent d’abord les priorités africaines, sans reproduire les logiques de dépendance ».
À Malabo, on assure vouloir montrer l’exemple. En mariant innovation militaire et renforcement des capacités locales, la Guinée équatoriale ambitionne d’écrire une nouvelle page — résolument africaine — de sa sécurité. Un pari audacieux, à l’heure où le continent redessine ses partenariats dans un monde multipolaire.