Journaliste chevronnée spécialiste de l’Afrique. Explorez avec elle la place de l’Afrique dans le monde, ses racines familiales, ses lectures contemporaines et les enjeux cruciaux du changement climatique. Au travers de cette discussion riche et engageante, découvrez une perspective unique sur les préoccupations mondiales, la diversité culturelle, et l’importance de l’engagement personnel pour un monde meilleur
Quelle doit être selon vous la place de l’Afrique dans le monde ?
Priscilla Wolmer : L’Afrique occupe une place centrale dans le monde d’aujourd’hui. Elle puise sa force dans ses 54 États souverains, leurs diasporas, une population de 1,4 milliard d’habitants, des milliers de langues, une diversité ethnique riche, et des traditions séculaires. En tant que deuxième continent plus peuplé après l’Asie, l’Afrique façonne indéniablement la scène internationale.
Un évènement marquant a été l’intégration de l’Union africaine (UA) au G20 en tant que membre permanent le 9 septembre 2023. Depuis, le rôle de l’Afrique dans la gouvernance mondiale s’est renforcé. En 2025, plusieurs pays africains participent activement aux réformes du système financier mondial, notamment à travers la Banque africaine de développement, qui a lancé un fonds d’investissement pour le développement durable, visant à mobiliser 200 milliards de dollars d’ici 2030.
L’Afrique joue également un rôle essentiel dans les négociations mondiales concernant des questions cruciales telles que le climat, la paix et le commerce. Toutefois, il est légitime de se demander ce que l’ONU attend pour suivre cet exemple et accorder à l’UA un siège au sein de son assemblée. Malgré les nombreux défis et disparités auxquels les pays du Sud sont confrontés, l’Afrique mérite pleinement sa place au cœur des centres décisionnels du monde.
On vous surnomme affectueusement « Madame Afrique » ; quelles sont les zones que vous
avez arpentées au cours de votre carrière ?
Priscilla Wolmer : En tant que journaliste, j’ai eu l’opportunité de voyager dans de nombreuses
régions d’Afrique. J’ai couvert des évènements en Libye, au Soudan, y compris le Darfour, en Tunisie, au Maroc, en Égypte, en Afrique du Sud, au Tchad, au Congo-Brazzaville, en République démocratique du Congo, en Guinée équatoriale, au Gabon, au Rwanda, en Éthiopie, au Burkina Faso, au Sénégal, au Niger, au Bénin, au Togo et j’en passe.
Ces dernières années, j’ai poursuivi mes reportages sur le continent. En 2024 et 2025, j’ai notamment couvert la situation humanitaire au Soudan, la montée en puissance des startups technologiques au Kenya et le renforcement de la coopération Afrique-Asie, notamment entre le Nigeria et la Chine sur les infrastructures ferroviaires.
J’ai également suivi de près les élections présidentielles au Sénégal et en République démocratique du Congo, qui ont marqué un tournant démocratique pour le continent. Chaque année, je m’efforce de contribuer à une meilleure compréhension de l’Afrique à travers mon travail.
Où commence l’Afrique, pour vous ?
Priscilla Wolmer : L’Afrique vit en moi. Je suis le fruit du métissage et la créolité est inscrite dans mes gênes. La traite des esclaves vers les Caraïbes, notamment, la Guadeloupe, archipel où est née ma mère, a commencé au début du XVIème siècle avec l’arrivée des Européens qui établissaient des colonies dans la région. À cette époque, des esclaves africains ont été déportés de force vers les Caraïbes dans des conditions inhumaines à bord de navires négriers.
Ainsi, l’Afrique commence pour moi, à cette période de l’histoire, liée à la traite négrière transatlantique ; peut-être quelque part au large de la côte de Dakar, sur l’île de Gorée, ou ailleurs en Afrique centrale entre la République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, le Gabon, ou encore l’Angola.
Aussi, de par ma vie familiale, ayant une fille franco-sénégalaise, sa naissance a ancré définitivement mon attachement à l’Afrique.
Quel livre repose sur votre table de chevet en ce moment ?
Priscilla Wolmer : En ce moment, je relis L’autre moitié du soleil de Chimamanda Ngozi Adichie. Ce roman nous parle de personnages qui n’aspirent qu’à vivre une vie simple, mais qui sont malgré eux arrachés à la banalité de leur quotidien pour plonger dans l’enfer de la guerre. Cela rappelle tristement ce que d’autres vivent en ce moment, notamment avec les conflits au Soudan ou encore à l’Est de la République démocratique du Congo.
J’ai aussi en permanence sur ma table de chevet Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire, un texte poétique majeur du mouvement de la Négritude.
Êtes-vous sensibles aux questions environnementales ?
Priscilla Wolmer : Évidemment. Et je pense qu’il faudrait repenser nos priorités. L’action climatique contraint les décideurs à des arbitrages difficiles.
Depuis 2024, nous avons atteint un point critique. La Méditerranée subit des incendies dévastateurs, la Corne de l’Afrique connaît des sécheresses récurrentes et l’Afrique de l’Ouest fait face à des inondations sans précédent.
Binetou Ka / Business Africa Media