Par Business Africa Media, le 9 juin 2025
KINSHASA — Dans les arcanes de la diplomatie congolaise, peu de figures incarnent autant la résilience politique qu’Antoine Ghonda. Nommé ambassadeur itinérant par le président Félix Tshisekedi le 8 mars 2025, cet ancien pilier du régime Kabila a opéré une mue spectaculaire, passant de conseiller stratégique de Joseph Kabila à architecte de la diplomatie de son successeur. Un parcours qui soulève une question : comment ce technocrate de 60 ans, né en Belgique et formé aux États-Unis, est-il devenu indispensable à deux présidents aux visions antagonistes ?
Les fondations d’un patriote : formation et premiers combats
Né à Louvain (Belgique) mais enraciné au Kongo-Central, Antoine Ghonda puise sa légitimité dans un parcours académique et politique hors norme :
- Diplômé en relations internationales de l’Université internationale de Floride, complété par un programme en sécurité à Harvard.
- Ministre des Affaires étrangères en 2003-2004 sous la transition, où il se distingue lors de l’affaire de Lusaka : il refuse fermement la demande du président ougandais Yoweri Museveni d’autoriser le retour des troupes ougandaises en RDC, un acte qui lui coûte son poste sous la pression de Jean-Pierre Bemba115.
- Élu député national de Madimba (Kongo-Central) en 2006, puis réélu en 2023 sous la bannière du PPRD, il y crée une fondation dédiée au développement socio-économique local15.
« Ghonda incarne l’élite congolaise qui navigue entre pragmatisme et idéal patriotique. Son refus de plier devant Museveni en 2004 a marqué les esprits », analyse un diplomate occidental sous anonymat.
◼️ La transition subtile : du Kabilisme au Tshisekedisme
Ghonda opère sa reconversion en 2021, après l’arrivée au pouvoir de Tshisekedi. Loin d’être un opportuniste, il mise sur son expertise pour servir la nouvelle diplomatie congolaise :
- Stratège discret : Il participe à la réforme de la gouvernance minière et à l’apaisement des tensions frontalières avec le Rwanda, capitalisant sur son réseau international14.
- Ambassadeur itinérant : Nommé en mars 2025, il devient l’un des artisans de la candidature de la RDC au Conseil de sécurité de l’ONU pour 2026-2027. Son discours à New York en mai 2025, fondé sur le concept « Ko Ngo » (aller vers l’excellence), séduit par sa vision panafricaine4.
- Médiateur régional : Il pilote le jumelage d’hôpitaux congolais avec des institutions françaises et coordonne les projets d’intégration économique avec les neuf pays voisins14.
L’impact concret : chiffres et réalisations
Domaine | Action clé | Résultat |
---|---|---|
Diplomatie ONU | Plaidoyer pour le siège au Conseil de sécurité (2026-2027) | 300 partenariats initiés en 20244 |
Développement Local | Fondation Antoine Ghonda à Kisantu (Kongo-Central) | Projets agricoles et éducatifs touchant 5 000 ménages5 |
Santé Transfrontalière | Jumelage de l’hôpital de Kinkanda (RDC) avec des centres français | Accès aux soins pour 50 000 patients14 |
La philosophie : un nationalisme pragmatique
Dans un entretien exclusif, Ghonda balaie les critiques sur sa traversée des régimes :
« Servir le Congo n’est pas une question de régime, mais de continuité historique. Sous Kabila, j’ai défendu notre souveraineté contre l’Ouganda. Sous Tshisekedi, je bâtis des ponts pour notre intégration régionale. Le fil rouge ? La même passion pour l’unité nationale. »
Cette vision résonne dans son action actuelle :
- Promotion des valeurs congolaises : Lors du forum « Amour et Solidarité » à Kinshasa (mai 2025), il célèbre la résilience congolaise face aux défis sécuritaires et économiques14.
- Critique de la dépendance : Il plaide pour une diplomatie décomplexée, capable de dialoguer avec l’Occident sans aliéner les intérêts africains4.
Les défis : légitimer une nouvelle ère
Malgré les succès, Ghonda affronte des écueils :
- Scepticisme des kabilistes historiques, qui voient en lui un « transfuge ».
- Attentes populaires : Dans un pays où 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté, sa diplomatie doit montrer des retombées tangibles.
- Équilibre géopolitique : Négocier avec les USA et la Chine sans éveiller les suspicions régionales.
Pourtant, le président Tshisekedi lui accorde une confiance totale :
« Ghonda comprend que la grandeur du Congo se construit par l’intelligence collective, pas les egos individuels », confie un conseiller présidentiel.
L’homme des continuités invisibles
À 60 ans, Antoine Ghonda symbolise la transition douce d’un Congo déchiré vers un État stratège. Son parcours enseigne que le patriotisme n’est pas l’apanage d’un clan, mais une somme d’actions cohérentes pour la souveraineté nationale. Alors que la RDC vise son siège à l’ONU, une certitude s’impose : Ghonda, l’ancien ministre devenu globe-trotter diplomatique, incarne cette Afrique qui refuse de choisir entre son passé et son avenir.
« Je ne sers pas un homme, je sers une idée : celle d’un Congo debout, fier, et maître de son destin. »
— Antoine Ghonda, Discours à l’ONU, Mai 2025.
Binetou Ka / Business Africa Media